Défis et opportunités associés à la pratique de deux sports

Liam Hickey a représenté le Canada lors des Jeux paralympiques de 2016, 2018 et 2022
Liam Hickey action

Par Caela Fenton, Sport Information Resource Centre

Ce blogue fait partie d’une série créée en collaboration avec SIRC et le groupe de travail sur le transfert des athlètes paralympiques, qui met en lumière les possibilités et les défis du transfert des athlètes paralympiques et de la participation multisports.

1 : Les « transferts d’athlète » et les nouvelles avenues de développement pour le parasport

2 : La collaboration des entraîneurs : le gage d’un transfert d’athlète réussi

3 : Pousser et tirer: la pratique multisport fait la force de la paralympienne Brianna Hennessy

 

Peu nombreux sont les athlètes qui peuvent se targuer d’avoir le statut de paralympien à la fois en hiver et en été. Liam Hickey, de St. John’s, à Terre-Neuve, est l’un d’entre eux. Il a représenté le Canada lors des Jeux paralympiques de 2016 en basketball en fauteuil roulant et lors des Jeux paralympiques de 2018 et de 2022 en para-hockey sur glace.

M. Hickey, qui est né sans fémur droit, a pratiqué de nombreux sports étant jeune, mais certains sports demandent de courir beaucoup, ce qui s’est graduellement avéré être un obstacle.

« À mesure que je vieillissais, j’arrivais de moins en moins à aller aussi vite que mes amis », raconte M. Hickey.

C’est aux alentours de ses 10 ans qu’il a découvert le basketball en fauteuil roulant et le para-hockey sur glace. Il était d’ores et déjà un grand fan de basketball et savait qu’il aimait le hockey sur gazon, mais n’avait jamais eu l’occasion d’essayer de jouer sur une patinoire.

C’est à partir de ce moment-là qu’il a eu ce qu’il décrit comme étant un « déclic » et qu’il s’en est tenu à ces deux sports.

M. Hickey a joué au basketball en fauteuil roulant et au para-hockey sur glace étant jeune et tout au long de ses années de secondaire (il était en 12e année dans la période précédant les Jeux de Rio et admet tout penaud qu’il a séché pas mal de cours). Il a commencé à retenir l’attention des programmes nationaux de perfectionnement dans ces deux sports alors qu’il était encore adolescent, puis a intégré les équipes juniors avant d’intégrer les équipes nationales. Basketball en fauteuil roulant Canada a nommé M. Hickey Athlète junior de l’année en 2015. Il a en outre été nommé Athlète junior de Terre-Neuve-et-Labrador de l’année en 2015 en 2016, puis athlète masculin de l’année de 2017 à 2019.

La fin du secondaire a marqué un dur retour à la réalité sur le plan financier et il lui a été difficile de subvenir à ses besoins tout en continuant à s’entraîner au niveau national dans deux sports différents. Le statut d’athlète breveté de M. Hickey lui permet de recevoir un financement de Sport Canada au titre du Programme d’aide aux athlètes (PAA), financement qui l’aide à s’entraîner.

Sport Canada décide du nombre de brevets qu’un organisme national de sport (ONS) donné peut recevoir sur la base de plusieurs facteurs, dont la taille de l’équipe et la performance. Chaque ONS établit ses propres critères en matière d’octroi des brevets, lesquels sont alors approuvés par Sport Canada. Les athlètes séniors brevetés reçoivent tous le même montant, quel que soit leur sport, à savoir 1 765 $ par mois.

Le PAA verse cette aide financière pour compenser certains frais de subsistance et d’entraînement, mais pas tous. Le soutien pour les frais de scolarité vise à aider les athlètes à obtenir un diplôme d’études postsecondaires. Le PAA est le seul programme de Sport Canada qui verse une aide financière directe aux athlètes.

Aux termes du règlement actuel, les athlètes ne peuvent être brevetés qu’une seule fois par an, ce qui signifie que M. Hickey ne peut pas être breveté à la fois par Basketball en fauteuil roulant Canada et par Hockey Canada, et ce, même s’il satisfait leurs critères d’admissibilité respectifs.

« Le système d’octroi des brevets constitue un obstacle, explique M. Hickey. Je pense que l’octroi d’un double brevet rendrait la pratique de deux sports en même temps faisable. Mais le temps que je passe à essayer de trouver un équilibre entre deux sports, c’est du temps que je ne peux pas consacrer à mon travail en encore moins à des études. Il m’a fallu comprendre assez rapidement que je manquais de temps, tout simplement. Je ne pouvais pas me permettre de consacrer tout mon temps au sport sans avoir d’emploi. »

Les ONS sont conscients que changer de sport constitue un défi et certains d’entre eux commencent à prendre des dispositions pour faciliter les transferts des athlètes. Cyclisme Canada a par exemple mis en place une clause intitulée « Anciens olympiens et paralympiens », qui permet à un athlète ayant déjà représenté le Canada lors des Jeux olympiques ou paralympiques d’être nommé en vue de l’octroi d’un brevet sénior sur la base des recommandations d’un entraîneur national et de données liées aux performances de l’athlète qui indiquent qu’il ou elle a le potentiel requis pour monter sur le podium.

Cela étant, des accommodements comme celui-là, même s’ils sont utiles pour les athlètes qui effectuent un transfert d’un sport vers un autre, ne peuvent pas régler complètement des situations similaires à celle de M. Hickey, où un athlète souhaite pratiquer deux sports en même temps.

M. Hickey a fini par prendre la décision de prioriser le hockey, incité en cela en partie par la défaite du Canada face aux États-Unis lors du match pour la médaille d’or à PyeongChang en 2018. De surcroit, les protocoles en place pour la COVID-19 lors de l’édition la plus récente des Jeux olympiques et paralympiques, combinés aux délais de récupération limités entre les deux éditions des Jeux du fait du report des Jeux de 2020 à Tokyo, ont rendu une double participation aux deux éditions des Jeux virtuellement impossible.

Forcé de continuer à travailler en plus de ses séances d’entraînement, il a aussi peur de se disperser.

« Je ne voulais pas être en mesure de ne donner que 50 % de moi-même, explique-t-il. Lorsque vous évoluez au plus haut niveau, vous devez à tout le monde de vous investir à fond. La décision de choisir un sport plutôt qu’un autre s’est alors imposée naturellement. »

Malgré tout, il a fallu deux ans pour compléter le processus de transfert. M. Hickey reconnaît que le personnel d’encadrement des deux programmes l’a soutenu dans ses décisions.

« Aucun d’eux ne m’a mis la pression en me forçant à choisir tout de suite, ajoute-t-il, ils m’ont donné le temps de réfléchir et m’ont laissé la porte ouverte. »

M. Hickey explique qu’il envisagerait sans aucun doute de s’engager pleinement dans les deux sports s’il en avait les moyens.

« La partie la plus difficile du transfert [total vers le para-hockey sur glace] a été de renoncer à une autre occasion de représenter mon pays, confie M. Hickey. J’ai dû accepter le fait qu’aux prochains Jeux paralympiques d’été je ne serai probablement pas là, même si j’adore ce sport. »

Les observations de M. Hickey sur l’importance d’avoir des entraîneurs encourageants et les difficultés à gérer le volet financier de sa carrière sportive sont des sentiments exprimés par de nombreux para-athlètes qui ont changé de sport ou qui y ont pensé, comme l’ont révélé de récentes consultations auprès de la communauté des athlètes. Comme nombre de ses pairs, il est un ardent défenseur de la pratique de plusieurs sports à tous les niveaux.

« Je pense que pratiquer plusieurs sports aussi longtemps que vous le pouvez est super bénéfique. Non seulement vous vous développez sur le plan athlétique, mais vous acquérez également des compétences en leadership et en communication qui vous permettent d’avoir des perspectives différentes selon le sport pratiqué », explique M. Hickey.

Pour les athlètes qui envisagent un transfert, M. Hickey conseille la transparence avec toutes les personnes concernées. À ses yeux, il est essentiel que les entraîneurs et les administrateurs qui facilitent ou reçoivent un transfert soient ouverts d’esprit et conciliants. Les personnels de Basketball en fauteuil roulant Canada et de Hockey Canada se sont par exemple efforcés de lui fournir les horaires aussi longtemps à l’avance que possible afin qu’il puisse gérer la pratique de deux sports pendant plusieurs années.

Si le système de financement actuel a encore du chemin à faire pour rattraper les athlètes tels que M. Hickey, l’aide des entraîneurs et des responsables techniques peut grandement aider les athlètes en quête d’excellence dans plus d’un sport.

En attendant, M. Hickey se jette à corps perdu dans le hockey, son rêve d’enfant de soulever un jour la Coupe Stanley a laissé place à celui de décrocher une médaille d’or paralympique.