L’entraîneur Andrzej Sadej consacre la fin de son impressionnante carrière au parajudo
Intronisé au Temple de la renommée de Judo Canada, il reçoit le Prix pour l’ensemble des réalisations de l’ACE au cours de la même semaine.
Intronisé au Temple de la renommée de Judo Canada, il reçoit le Prix pour l’ensemble des réalisations de l’ACE au cours de la même semaine.
OTTAWA — Lorsque Andrzej Sadej parle de son parcours dans le sport, on peut retrouver dans son récit tous les éléments d’un bon film ou d’un roman exceptionnel : chagrins, intrigues, drames, risques, aventures, et le tout se termine sur un triomphe.
Toutefois, il s’agit d’une histoire vraie.
Né en Pologne sous le joug soviétique, Sadej a surmonté de nombreux défis pour devenir un maître dans sa profession. À travers tout cela, il y avait un fil conducteur : le judo.
Et plus tôt ce mois-ci, le natif de Bydgoszcz âgé de 66 ans a été honoré deux fois au cours de la même fin de semaine. En effet, il a reçu le Prix pour l’ensemble des réalisations de l’Association canadienne des entraîneurs à Regina, le 15 novembre, et le lendemain à Montréal, il a été intronisé au Temple de la renommée de Judo Canada.
« Tout ce qu’il a fait, c’était par bonté d’âme et dans l’espoir de rendre notre monde meilleur », affirme Priscilla Gagné, une athlète étoile de Sadej, médaillée d’argent aux Jeux paralympiques de 2020.
« C’est un entraîneur chevronné, humble et talentueux avec qui j’ai eu le privilège et l’honneur de travailler pendant une décennie. »
L’enfance en Pologne
Sadej a été victime d’intimidation à l’école. Comme il était petit pour son âge, ses camarades de classe ont pris plaisir à le harceler. Au secondaire, lorsque son professeur d’éducation physique a fait découvrir le judo à sa classe, il a remarqué que Sadej démontrait des aptitudes précoces.
Sadej regardait également à la télévision les faits saillants d’un tournoi international qui s’était tenu à Varsovie.
« L’enseignant a tout simplement dit à ses élèves — avec les yeux rivés sur les harceleurs de Sadej — qu’une personne de petite carrure pourrait les battre tous », se rappelle Sadej. « Il a disposé quelques tapis sur le sol et m’a demandé d’affronter chacun d’eux et je les ai battus un à un. »
« Bien sûr, il a recommandé que je m’inscrive à un programme, et c’est ce que j’ai fait. »
La vie de compétiteur
Avec l’équipe nationale polonaise, Sadej est devenu un des meilleurs judokas au monde.
Huit fois champion national de la Pologne, il a également remporté quatre médailles de bronze aux Championnats européens et trois médailles aux Championnats mondiaux universitaires.
Il a obtenu une maîtrise de la PE Academy à Wroclaw.
En 1984, Sadej semblait prêt à atteindre le sommet de sa carrière en tant qu’olympien, mais la Pologne a décidé de participer au boycott des Jeux de Los Angeles décrété par l’Union soviétique.
« Pour moi, ce fut une énorme déception », confie Sadej. « J’étais assez bon à ce moment-là pour prétendre à une place au sein de l’équipe. Les Jeux ont été pour moi une force motrice qui est devenue un facteur important dans ma décision de quitter mon pays. »
Départ de la Pologne
À 22 ans, Sadej a épousé Krystyna, qui avait deux enfants d’une précédente union. Son premier mari était décédé dans un accident. Par la suite, le couple a eu deux autres enfants, y compris Katarzyna, qui est aujourd’hui chanteuse d’opéra professionnelle.
Alors qu’il faisait partie des meilleurs judokas de son pays, Sadej a voyagé dans le monde entier en vue de prendre part à des compétitions. Malgré les avantages dont il a bénéficié en tant qu’athlète de l’équipe nationale, la liberté qu’il goûtait de l’autre côté du rideau de fer l’attirait beaucoup. Cependant, il n’était absolument pas question pour lui de partir sans sa famille.
« Lors de son intronisation au Temple de la renommée de Judo Canada, il a rendu hommage à sa famille et à son épouse, qui ont consenti des sacrifices pour lui permettre de poursuivre sa carrière », raconte Gagné. « C’est un homme de famille jusqu’au bout, et il donne tout le crédit à sa femme qui l’a soutenu et encouragé à entreprendre ce parcours d’entraîneur. »
À la fin des années 1980, l’empire soviétique commençait à s’effondrer et nulle part ailleurs l’appel au changement n’a été plus fort qu’en Pologne, avec le mouvement Solidarité dirigé par Lech Walesa.
Sadej a décidé de tirer parti de la confusion qui régnait pendant cette période de changement pour se diriger vers l’ouest avec sa femme et ses enfants.
« J’ai trouvé des gens qui nous ont aidé à obtenir nos papiers et lorsqu’ils nous les ont remis, nous avons dès le lendemain quitté la Pologne dans ma voiture et nous avons pris la direction de Berlin-Ouest. Nous n’avons jamais regardé en arrière. »
Une nouvelle vie au Canada
Après un court passage en Allemagne, Sadej est arrivé au Canada le 25 juillet 1989 pour commencer une nouvelle vie avec sa famille, alors qu’il ne parlait qu’un anglais rudimentaire. Il a d’abord habité dans la région de Toronto et, même s’il a eu des opportunités en tant qu’entraîneur de judo, il ne pensait pas qu’il en ferait sa carrière professionnelle au Canada.
« À cette époque, 99 pour cent des clubs de judo au Canada étaient gérés par des bénévoles », raconte Sadej, qui réside aujourd’hui à Ottawa. « C’était un environnement très différent de celui de la Pologne ou de l’Allemagne. »
Sadej finirait par devenir une des légendes du judo canadien. Sa persévérance et son dévouement ont été le fer de lance de l’avancement de son sport.
« Je réalise que je suis presque rendu au bout du chemin, et cela me rend un peu anxieux », a-t-il confié au CPC cette semaine. « Cela a commencé il y a 55 ans, lorsque je suis tombé en amour avec ce sport et que j’ai pu m’y adonner. »
Il a d’abord eu un impact important en tant qu’entraîneur national de 1990 à 1996, notamment en aidant Nicolas Gill à décrocher une historique médaille de bronze aux Jeux olympiques de 1992.
Par la suite, il s’est joint à l’équipe d’administration de Judo Canada, où il a notamment rempli les fonctions de directeur du sport. Il supervisait les ressources humaines, les changements de programme et le développement à long terme de l’athlète.
« Ce parcours de vie a été fantastique », dit-il. « Je suis submergé par l’émotion. Beaucoup de gens de cette époque ne sont plus avec nous. Des gens que je respectais, dont certains m’ont même embauché. »
Le retour à l’entraînement en parajudo
L’aventure s’est poursuivie en 2014. Sadej est retourné sur les tatamis en qualité d’entraîneur national du programme paralympique.
« Je savais que j’étais prêt pour ce programme », affirme Sadej. « Il m’a tout simplement changé, en tant que personne, en tant qu’être humain. Travailler avec des personnes qui font face à de véritables défis et qui ont une plus grande appréciation de la vie que la majorité d’entre nous m’a permis de découvrir une toute nouvelle dimension de la vie. »
Encore une fois, sous la direction de Sadej, il y a eu des premières historiques.
En 2018, Gagné est devenue la première judoka du Canada à remporter le titre féminin du championnat du monde dans le programme paralympique et a poursuivi sur son élan, confirmant ainsi son statut de combattante de premier plan, notamment en remportant la médaille à Tokyo.
« Andrzej a contribué au Mouvement paralympique et, par conséquent, a transformé le judo paralympique », déclare Gagné. « Et tout ça, c’est en grande partie grâce à ses efforts en matière de défense des intérêts du sport, à sa compassion et à sa détermination inébranlable. »
Tony Walby est l’un des premiers parajudokas que Sadej a rencontrés. Il a concouru aux Jeux paralympiques de 2012 et de 2016 et il continue d’être un ardent défenseur des intérêts du parajudo et du Mouvement paralympique.
« Le coach Sadej a apporté de la stabilité, de l’expérience et du leadership au programme de parajudo au Canada », affirme Walby.
« Grâce à son travail inlassable auprès des entraîneurs, des athlètes et d’autres leaders de la communauté du parasport, le programme de parajudo au Canada a établi des fondements qui devraient le permettre de perdurer. »