Les femmes, vecteurs de changement du sport paralympique
Il y a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre l’égalité dans le sport
Il y a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre l’égalité dans le sport
La place des femmes dans le paysage paralympique est matière à célébration : de plus en plus d’entre elles occupent des postes de direction, et les athlètes féminines ont plus de possibilités et de visibilité que jamais.
Karen O’Neill, cheffe de la direction du Comité paralympique canadien, constate une nette amélioration en cinq ans. Par exemple, il n’y a jamais eu autant de femmes qui présentent leur candidature ou qui sont élues dans les conseils d’administration d’organismes régionaux, pancanadiens ou internationaux.
À son avis, « les femmes commencent à voir qu’il est possible pour elles, leurs collègues et leurs semblables de faire des choses qu’elles ne croyaient pas possibles. Les modèles féminins et la solidarité ont un impact considérable. »
Et pour la Journée internationale des droits des femmes, on peut également se réjouir du pouvoir du sport
La skieuse para-alpine Mollie Jepsen, la première médaillée du Canada aux Jeux paralympiques d’hiver de Beijing 2022 (médaille d’or en descente) est reconnaissante des portes que le sport lui a ouvertes.
« La croissance du parasport signifie que les femmes de toutes les habiletés et capacités physiques peuvent poursuivre leur rêve d’excellence, croit la quintuple médaillée paralympique. Au cours de mes années dans le sport, paralympique ou non, je me suis fait des amies pour la vie et j’ai rencontré des femmes qui m’ont aidée à devenir la personne que je suis aujourd’hui et la meilleure version de moi-même. Au-delà du sport, il est important de souligner que c’est une victoire de faire partie d’un mouvement où les femmes sont une source d’inspiration dans le cheminement vers l’excellence.
J’espère que bientôt, nous pourrons célébrer ensemble l’ouverture de toutes les perspectives à toutes les femmes qui veulent repousser leurs limites pour aller au bout d’elles-mêmes. »
Il y reste toutefois beaucoup de travail à faire pour atteindre l’équité entre les sexes dans le sport paralympique.
Michelle Stilwell fait du sport haute performance depuis plus de 20 ans. À ses débuts, elle a représenté le Canada en basketball en fauteuil roulant aux Jeux de 2000 à Sydney. Ensuite, elle s’est imposée sur le circuit de course en fauteuil roulant et aux Jeux de 2008, 2012 et 2016. La sextuple championne paralympique voit une réelle différence.
« Je pense qu’aujourd’hui, nous comprenons que l’équité est la voie vers l’égalité. On est en conscient et on en parle davantage. Les nombreux succès de nos athlètes féminines les ont mises sous les projecteurs et ont ouvert la porte de postes de directions. On les écoute et elles contribuent à changer les façons de voir les choses et les façons de faire », dit-elle.
Pour Michelle Stilwell, l’intersectionnalité du parasport a également son importance. En plus de lutter pour l’égalité avec les hommes, il faut lutter pour l’égalité avec les athlètes sans handicap.
Mollie Jepsen est d’accord avec elle.
« Les Canadiens s’intéressent et participent de plus en plus au parasport et il y a davantage de reconnaissance pour la détermination et les résultats de nos athlètes, insiste l’athlète de 22 ans. Sur la scène internationale, nos athlètes sont aussi compétitifs que les athlètes canadiens sans handicap et nous nous mesurons aux meilleurs au monde. De plus en plus de gens sont au courant de nos performances et ont accès à nos compétitions et à nos Jeux. »
Cette plus grande représentation pourrait inciter davantage de femmes à faire du parasport.
« Notre système a besoin de plus de femmes, mais il n’est pas naturellement conçu pour les aider à participer à tous les niveaux, particulièrement lorsqu’elles ont un handicap, fait remarquer Karen O’Neill. Souvent, quand on ne voit pas de gens comme soi, que les possibilités ne sont pas là ou que l’environnement ne semble pas sécuritaire, accueillant et inclusif, on choisit de faire autre chose. »
La directrice haute performance de Nordiq Canada, Kate Boyd, est l’une des plus grandes entraîneuses de parasport au Canada. Elle a longtemps été l’entraîneuse de l’excellente équipe de ski paranordique et le parasport l’a grandement aidée à progresser.
« En parasport, j’ai observé que dans plusieurs pays, il y a plus de femmes entraîneures et dans les postes de directions en sport paralympique qu’en sport olympique. Ces femmes guident et dirigent l’élite sportive aux plus hauts échelons, fait-elle valoir. Je suis très reconnaissante envers le parasport parce qu’il m’a donné beaucoup de possibilités. »
Karen O’Neill croit que l’augmentation du nombre d’entraîneures comme elle en sport paralympique est l’une des clés d’un environnement équitable et inclusif.
« C’est important de pouvoir compter sur un leadeurship technique et sur des entraîneures au sein de la communauté du sport paralympique. Il n’y en a pas assez. On doit également faire en sorte d’augmenter le leadeurship technique pour inclure les athlètes paralympiques qui voudraient se diriger dans cette voie à la fin de leur carrière. Nous nous devons de trouver des moyens de les inciter à revenir dans un autre rôle. »
Une des grandes priorités est d’augmenter la participation des femmes dans le parasport.
« Comme il y a moins de femmes avec un handicap, nous devons concentrer nos efforts sur leur participation et leur engagement pour éviter qu’elles soient sous-représentées », dit Michelle Stilwell.
« Au Canada, il y a une volonté de créer de nouvelles initiatives pour augmenter la participation des femmes et des filles dans le sport. Nous nous appliquons à offrir des programmes spécialement pensés pour elles qui, espérons-le, se traduiraient par une augmentation du nombre de participantes. »
Connexion 2021 en est une. Il s’agit d’une activité issue de l’événement Paralympiens recherchés organisée par le Comité paralympique canadien. L’an dernier, l’événement s’est déroulé virtuellement. Cette année, le Fonds de développement du sport paralympique encourage les organismes sportifs à faire une demande de subvention pour les programmes ciblant les femmes et les filles.
« Les commentaires qu’on a reçus sont excellents. Les femmes sont exposées à la possibilité de gravir les échelons du sport haute performance et de devenir une athlète paralympique », dit Karen O’Neill à propos de Connexion 2021.
Et une fois qu’elles sont au courant des ouvertures qui s’offrent à elles et qu’elles vivent une expérience positive, nous espérons les voir faire du sport, rester dans le sport et faire de la compétition d’élite.
« En tant que para-athlète, je suis très reconnaissante du soutien que j’ai reçu pour l’entraînement et la compétition, mais aussi pour les outils qu’on m’a donnés pour prendre soin de ma santé et de ma santé mentale, dit Mollie Jepsen. Au Canada, je n’ai jamais senti que les femmes étaient traitées différemment des hommes dans le parasport. On juge les athlètes sur leur engagement, sur le dévouement, sur leur discipline et sur leur performance ».
La cheffe de la direction du CPC dit que beaucoup de travail intentionnel a été fait jusqu’à maintenant pour générer plus de leadeuses et de participantes.
« Beaucoup d’efforts sont déployés pour aller les chercher et les soutenir tout au long de leur parcours. Nous aidons les jeunes femmes qui rêvent de devenir athlète paralympique ou encore de travailler comme entraîneure ou en classification, de faire partie d’un conseil d’administration ou d’intégrer un organisme sportif. Les perspectives d’avenir sont un des grands thèmes. »
Les fondations d’un changement en profondeur ont déjà été posées et la situation évolue sans arrêt.
« Au Canada, nous avons la chance de pouvoir compter sur un grand nombre de leadeuses dans le monde du sport. Notre système sportif est guidé par des femmes accomplies », assure Kate Boyd. Elle ajoute qu’il y a encore place à une meilleure sensibilisation au parasport, à l’augmentation du nombre de participantes et au développement des entraîneurs et entraîneures et du personnel de soutien au sein du système canadien.
« Ce qui m’impressionne, c’est le nombre d’athlètes paralympiques féminines qui fondent leur propre entreprise, qui poursuivent une carrière académique ou qui redonnent au système.
C’est ce qui m’enthousiasme le plus de la nouvelle génération de leadeuses », conclut Karen O’Neill.